Tant pis si je me condamne,
Je vais vous obéir,
Je ne suis pas assez prétentieux
Pour me faire prier.
En l'honneur de Caluire
Je veux bien chanter.
S'il y a de quoi boire, de quoi faire une fricassée,
Comme je vais m'amuser!
Quand il s'agit de rire
Je ne suis pas en retard.
Voilà, voilà les Caluirards,
Voilà les Caluirards!
Quand arrive le dimanche,
Nous ne travaillons plus,
Et nous ne faisons qu'une bande
Qui rejoint le Pelleru.
Ensuite les filles nous suivent,
Fort bien arrangées.
Dès qu'elles sont là,
Je vais les attraper.
Ceux qui n'en ont point s'en vont,
De peur d'être cagnards.
Voilà, voilà les Caluirards,
Voilà les Caluirards !
Nous aimons la Croix-Rousse
Pour rire et courtiser des filles,
Surtout quand notra bourse
Se plaît à faire un bruit de grelot.
Nous aimons quand une fille
A l'air bien convenable,
Et quand sa vertu brille
En cachant ses defauts,
Si elle fait la vilaine,
Adieu respect, égards!
Voilà, voilà les Caluirards,
Voilà les Caluirards!
Partout on entend dire
Que nous sommes des misérables,
De Fontaines à Fourvière,
De Neuville à Rillieux
Les voisins les plus proches
Disaient pour nous mettre en colère,
Que nous étions sans cloches
Et même sans clocher,
Mais eux n'ont que des mioches
À côté de nos gais lurons,
Voilà, voilà les Caluirards,
Voilà les Caluirards!
Nous occupons toutes les Mercières,
La moitié de Crépieux,
Tout le Vernay et Cuire,
Et Saint-Clair par-dessus le marché.
Nous avons des maisons bourgeoises,
Qui surpassent des châteaux,
Toutes couvertes en ardoise,
Des fraises et des framboises,
Il n'y a rien d'aussi beau!
Des prés, de grands jets d'eau,
Des jolies villageoises
Et de beaux campagnards,
Voilà, voilà les Caluirards,
Voilà les Caluirards!
Nous avons beaucoup de marchandises
Grâce à nos efforts.
Nous avons trois belles églises
Et quatre jolis ports:
Nous en avons deux sur la Saône
Qui amènent du bon vin,
Deux plus beaux sur le Rhône
Qui ont bien trente moulins
Nous plantons nos bornes
Jusque chez les Rilliards,
Voilà, voilà les Caluirards,
Voilà les Caluirards!
Allons, on a beau dire,
Caluire est renommée.
Les artichauts de Cuire
Partout sont appréciés,
L'oignon et les ciboulettes,
Les pommes de terre et les cardons,
Les épinards et les blettes,
Les choux de Pied-Chardon
Font plier les charrettes
Sur leurs essieux grinçants,
Voilà, voilà les Caluirards,
Voilà les Caluirards!
Nous n'avons pas de carrosses
Comme les petits messieurs,
Mais nous nous amusons bien
Dans nos tombereaux,
Quand nous faisons de bons charrois.
Mais il n'y en a jamais trop.
Si les fruits, les légumes
S'enlèvent au galop,
Tout en pliant bagage
Nous empochons les sous!
Voilà, voilà les Caluirards,
Voilà les Caluirards!
Non, dans notre commune
Aucun d'entre nous n'est mauvais,
Nous noyons la rancune
Dans une bouteille de vin.
Nous aimons quand les verres
Sont toujours vides, puis pleins.
Nous aimons rire et boire,
Chanter de joyeux refrains,
Et nous ne faisons la guerre
Qu'aux râleurs, qu'aux piailleurs,
Voilà, voilà les Caluirards,
Voilà les Caluirards!
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